jeudi 20 juillet 2017

Le voyage en Russie


Depuis son départ en retraite, depuis le régime que lui imposait son épouse, depuis qu’il avait retrouvé une certaine forme, depuis qu’il s’était inscrit au club de randonnées avec d’autres vieux , depuis qu’il pensait avoir découvert sa voie dans l’altruisme, et sa vocation dans la bienfaisance, depuis qu’il donnait des cours d’alphabétisation aux réfugiés, depuis qu’il était devenu bon, pour Pchetchkov, tout allait bien.  Pchetchkov songeait même à bientôt donner un coup de main aux restaurants du cœur, ou à une autre association. Il pourrait peut-être également laver les pieds des clochards, des malades et des indigents. Après tout, ce n’était pas un monopole du pape. Bref, Pchetchkov ne manquait pas de projet. Il envisageait à présent de se remettre aux mathématiques, à la géométrie, ou aux échecs, et de relire le manuel de géographie qu’il avait eu en 6ème . Pchetchkov pensait également apprendre le chinois. Tout cela était le signe, chez Pchetchkov, ainsi que lui-même en était convaincu, d’un nouvel épanouissement et d’une bonne santé physique et mentale. Surtout mentale. Donc, pour Pchetchkov, tout allait bien. Trop bien. Peut-être.

Pchetchkov pensait parfois à Léon. Léon, c’était le nom d’un ouvrier qui travaillait au marbre, dans l’imprimerie du journal local où Pchetchkov faisait alors – il y a plus de cinquante ans - ses débuts dans le journalisme. Ses débuts ? Il faudrait plutôt parler « des » débuts, et non de « ses » débuts, puisqu’en fait, Pchetchkov ne serait jamais journaliste. Pchetchkov ne ferait jamais carrière dans la presse. Mais enfin, il restait qu’il avait travaillé comme rédacteur dans un journal, et qu’il avait rencontré Léon. Au marbre, là où on fabriquait le journal. Lorsque Léon était parti en retraite, ses collègues lui avaient offert une canne à pêche. On avait fait une petite fête, et on avait pris une photo de Léon, et de sa canne à pêche. C’est Pchetchkov qui avait été chargé de rédiger un petit article sur le départ en retraite de Léon. L’article avait été publié, dans les pages régionales du journal, avec la photo de Léon. Et puis, Léon était parti. Qu’est-ce qu’il a dû s’emm…er, Léon ! C’est très emm…ant de rester toute la journée à la pêche pour ne rien attraper, ou pas grand’chose. Mais alors, si pêcher, c’est déjà emm…nt pour les pêcheurs, ça l’est forcément encore plus pour ceux qui n’aiment pas la pêche. Rien ne prouvait que Léon était pêcheur. D’ailleurs, sur la photo, Léon, avec sa canne à pêche, paraissait un peu triste. Quoi qu’il en soit, depuis quelque temps, Pchetchkov pensait à Léon. Pchetchkov, lui aussi, s’ennuyait.

C’est ainsi que, dans l’esprit de Pchetchkov, une idée originale qui germait depuis longtemps, s’imposa soudain avec netteté. Le moment n’était-il pas venu de faire un petit voyage à Moscou, et de retrouver quelques amis autour d’un petit verre de vodka, ou même, de retrouver quelques verres de vodka en compagnie de nombreux amis ? Pchetchkov prit la décision de partir pour Moscou, et d’entreprendre son cent cinquante septième voyage en Russie, pays qu’il avait l’impudence, ou l’imprudence, de prétendre un peu connaître, mais qui lui cachait toujours quelques mystères, ainsi qu’il devait encore une fois le constater.

Un voyage en Russie, ça se prépare, et ça commence par une demande de visa. L’obtention d’un visa relève en principe d’une démarche auprès du consulat. A présent, les autorités consulaires russes permettent à des agences privées de proposer leurs services aux voyageurs, et d’effectuer en leur nom, moyennant finances, les indispensables formalités.

Pchetchkov, homme pressé, soucieux d’éviter les files d’attente, et d’échapper aux risques liés à la combinaison diabolique et aléatoire des jours de fermeture et des horaires d’ouverture des bureaux du consulat de la Grande Russie, s’adressa donc à l’une de ces officines.

L’agence mit en garde Pchetchkov. Il pouvait certes demander un visa touristique pour la Russie, mais eu égard à ses cent cinquante six séjours précédents au pays des tsars et des soviets, les autorités pourraient objecter que Pchetchkov ne pouvait sérieusement prétendre faire du tourisme, qu’il avait certainement déjà visité tous les musées, que son voyage avait nécessairement d’autres motifs, et que sa demande de visa touristique, suspecte, pourrait bien être rejetée. Pchetchkov était conscient du risque, il avait déjà été éconduit, et savait par expérience qu’une photo qui lui ressemblait trop, et qui ressemblait encore plus à celle de son passeport, pouvait être un motif de refus de visa. Tout cela donnait à réfléchir.

Se rappelant qu’il faisait partie de la Chambre internationale de médiation et de conciliation chargée de régler les différends survenant entre  producteurs, négociants et courtiers en rutabaga, organisme dont le siège est situé quelque part en Sibérie, et profitant d’une réunion à Moscou des membres de cette association, conviés à débattre de la confusion possible entre le navet, le rutabaga et les autres cruciféracées, et des risques de tricherie qui en découlent, Pchetchkov se résolut à demander en définitive un visa d’affaires, lequel lui fut facilement accordé.

Le voyage s’annonçait bien.

C’est ainsi que par une journée, certes un peu maussade, de la fin juin, Pchetchkov débarqua à l’aéroport de Domodedovo, qui est l’un des aéroports desservant Moscou.  A la descente de l’avion,  heureux d’arriver enfin sur le sol russe, Pchetchkov, sans se hâter, emprunta les longs couloirs du terminal. Alors qu’il apercevait déjà les postes de contrôle de la police russe des frontières,  et qu’il ne lui restait plus que quelques marches d’escalier à franchir, notre voyageur vit arriver, ou plutôt déferler, sur sa droite, une vague énorme et bruyante, une sorte de nuage de sauterelles, une véritable nuée de touristes,  qui le dépassèrent et occupèrent rapidement, sans coup férir, les files d’accès menant au contrôle des passeports.

Ceux qui ont lu « les lettres de Russie » d’Alphonse de Custine se souviendront peut-être du passage dans lequel est décrit, sous une plume certes malveillante, le contrôle lent, méfiant, méticuleux, tatillon des policiers et des douaniers de sa majesté l’Empereur de Russie, à l’arrivée des voyageurs étrangers. Cela se passait au XIXème siècle. Les lecteurs de Custine n’auront pourtant qu’une faible idée de ce qu’est aujourd’hui le contrôle des voyageurs arrivant à Domodedovo.

Après une progression d’une heure et demie vers le poste de contrôle, progression quasiment imperceptible, en tous les cas invisible à l’œil nu, et au bout de quelques instants supplémentaires passés à attendre le résultat des vérifications du policier, instants brefs qui lui parurent pourtant une éternité, Pchetchkov, dévisagé, scruté par le fonctionnaire de police,  mais essayant de conserver un aspect souriant et aimable, et d’adopter une contenance apparemment sereine malgré les noirs desseins qui le menaient en Russie, Pchetchkov entendit enfin le bruit sec et caractéristique du tampon apposé dans son passeport. Sans un mot, le policier tendit à Pchetchkov son passeport, dans lequel était glissé un petit papier imprimé, la carte d’immigration, que Pchetchkov signa avant de gagner l’endroit où étaient livrés les bagages. Pchetchkov venait d’être autorisé officiellement à mettre le pied sur le territoire russe.

La salle de livraison des bagages grouillait littéralement de voyageurs, parlant toutes les langues de l’univers, et se bousculant autour des tapis roulants. Coincé entre un groupe d’Arabes moyen-orientaux, revêtus de leurs costumes traditionnels, et une masse non moins nombreuse, mais plus turbulente, de touristes russes débarquant, avec femmes et enfants, de leur club de vacances en Turquie, Pchetchkov, tenant son passeport d’une main, cherchant fébrilement de l’autre, dans sa poche, sa carte d’embarquement, ne parvenait pas à repérer l’endroit où il pourrait retrouver son bagage.  Après l’interminable queue du contrôle des passeports, même les tableaux d’information de l’aéroport, indiquant aux voyageurs l’endroit où seraient livrés leurs bagages, même ces tableaux s’étaient lassés de l’attente, et ils n’affichaient plus aucune information concernant le vol et l’avion de Pchetchkov. Pchetchkov errait comme un malheureux, dans une salle immense, au milieu d’une foule agitée, pensant confusément au nombre de slips et de paires de chaussettes qu’il lui faudrait acheter pour terminer proprement et dignement son séjour à Moscou, si par malheur, comme cela lui paraissait à présent probable, sa valise était perdue. Homme de peu de foi! Pourquoi perdre si rapidement tout espoir ? Un peu de courage, que diable! A moitié hagard, à travers des yeux déjà embués de larmes, et comme dans un mirage, Pchetchkov aperçut quelques bagages reposant paisiblement à l’écart, ignorés, abandonnés. Dans cet amas de valises, de sacs, de sangles, de paquets, Pchetchkov reconnut sa propre valise. Miracle de la providence!

C’est à ce moment que Pchetchkov poussa un soupir de soulagement.

C’est également à ce moment que Pchetchkov réalisa que le passeport qu’il tenait à la main ne contenait plus le petit carré de papier imprimé, la carte d’immigration qui lui avait été remise lors du contrôle des passeports.

C’est à ce moment que le voyage en Russie de Pchetchkov commença vraiment.

Il serait pénible, pour l’auteur de ces lignes, et usant, pour les lecteurs, d’évoquer dans tout leur détail les efforts entrepris par Pchetchkov à l’aéroport pour se faire délivrer un double de la « carte d’immigration » malencontreusement égarée. Cela commence par les recherches ridicules, insensées, vouées à l’échec, désespérées, proprement vaines faites dans la salle des bagages pour retrouver, au milieu des tapis roulants, des bagages et d’une foule surexcitée de centaines de personnes, un morceau de papier de quelques centimètres carrés. Cela se poursuit par les démarches faites auprès des services de police, par les réponses souriantes de fonctionnaires russes affables, malheureusement débordés, par les explications qui étaient données à Pchetchkov, mais qu’il ne comprenait pas, non pas parce qu’elles étaient incompréhensibles, mais parce que Pchetchkov n’était tout simplement déjà plus en état de comprendre.

Au passage du contrôle douanier, distinct du contrôle des passeports, Pchetchkov, complètement épuisé, abruti, traînant lamentablement une valise pourtant dotée de roulettes, se fait arrêter, ce qui ne lui était jamais arrivé au cours de ses précédents cent cinquante-six voyages,  par une aimable douanière qui lui demande d’ouvrir son portefeuille et qui vérifie  le montant des devises transportées par Pchetchkov. Impossible de savoir si c’est à la vue du maigre paquet de coupures garnissant le portefeuille de Pchetchkov, ou si c’est à la vue désolante du voyageur  Pchetchkov lui-même, mais la douanière comprit rapidement son erreur. Non, Pchetchkov ne participait à aucun trafic international de capitaux. Percevant en la douanière un fond d’humanité, sentant l’âme sœur, Pchetchkov s’épanche et lui dit qu’il a perdu sa carte d’immigration. Elle lui conseille de repartir en arrière, d’aller interroger les services de police, ceux-là mêmes qui viennent de lui dire d’aller à Moscou. Pchetchkov bafouille un refus et s’éloigne, il sort chancelant, il est rattrapé par un autre douanier qui lui signale que son sac à dos est ouvert, et qu’il est en train de perdre ses affaires. Non, cette fois-ci, Pchetchkov ne perdra pas ses affaires, il a seulement perdu sa carte d’immigration. Finalement, Pchetchkov est presque sorti de l’aéroport, il veut aller sans plus tarder à Moscou. C’est alors qu’il aperçoit un panneau fléché signalant la présence, dans l’aéroport, d’un bureau du service d’immigration. Ah ! le panneau fléché ! Faux espoir, mirage ensorcelant, illusion trompeuse, entretenue par les nouvelles flèches que Pchetchkov rencontre dans sa déambulation, sur son chemin de croix, dans l’aéroport maudit de Domodedovo ! Pchetchkov suit la flèche, les flèches, il en voit partout, des flèches, il croit voir des Indiens, mais non, ce sont des Saoudiens dans leur costume national, et ils ne tirent pas de flèches. Pchetchkov n’abandonne pas, il prend des couloirs, il change de bâtiment, l’aéroport est immense, Pchetchkov interpelle et interroge tout le monde, les policiers, les douaniers, les pompiers, les femmes de ménage, les voyageurs, les Saoudiens, les Allemands, les Indiens, les cow boys, les autres aussi, et finalement, il ne trouve pas le service d’immigration qui, sans doute, n’existe plus, ou qui, alors, est ultrasecret, et qu’il est impossible de trouver.

Quatre ou cinq heures après l’arrivée de son avion, Pchetchkov se résigne , il lui faut à présent prendre le train, « l’Aéroexpress » qui doit l’amener à Moscou. « A l’heure qu’il est - six ou sept heures du soir - , le train, il vaudrait mieux l’appeler « l’apéroexpress » », pense Pchetchkov. Mais Pchetchkov  a mieux à faire. Il lui faut à présent quitter au plus vite l’aéroport. L’apéro, il le prendra à l’hôtel. Après le train, il prend encore un métro, et enfin, il arrive à destination.

L’hôtel Pékin – Pchetchkov avait réservé une chambre à l’hôtel Pékin – l’hôtel Pékin, disions-nous, est idéalement situé dans le centre de Moscou, à proximité de salles de théâtre et de la salle de concert Tchaïkovski. L’établissement est solide, majestueux, ancien, il a été rénové. C’est un excellent hôtel où Pchetchkov a déjà fait plusieurs séjours, et qu’il apprécie. Pourtant, curieusement,  avant de réserver et avant de cliquer pour valider son choix, Pchetchkov a passé des heures sur le site Internet de booking.com . C’est comme si une main invisible retenait le clic de confirmation de Pchetchkov. Hésitation suspecte. Un signe du destin, peut-être. Une voix qu’il n’a pas voulu entendre, et qui murmurait sans doute : « Pas le Pékin, pas le Pékin, pas cette fois-ci, pas le Pékin, pas le Pékin, … »

Pchetchkov, qui a repris des forces dans le train, et qui se sent ragaillardi, se présente à l’hôtel. A la réception, un jeune homme, aimable et souriant, demande à Pchetchkov sa réservation et son passeport. Pchetchkov s’exécute. L’employé de l’hôtel lui demande aussi sa carte d’immigration. Pchetchkov explique qu’il a égaré ce document, et qu’il se mettra en relations avec le service d’immigration dès le lendemain. Pchetchkov, pauvre naïf ! Comment as-tu pu croire, imaginer que ton voyage de cauchemar avait pris fin, et que tu allais enfin pouvoir te reposer au Pékin, à Moscou, en face de la salle Tchaïkovski? N’étais-tu pas conscient qu’en perdant ta carte d’immigration, tu venais de t’engager sur le chemin du crime, et de te placer dans l’illégalité ? Heureusement, le réceptionniste a immédiatement compris, il s’est chargé de t’expliquer qu’il était impossible de t’accueillir à l’hôtel, que la réglementation était stricte, et qu’un établissement de la classe du Pékin ne pouvait se permettre d’accueillir un voyageur ayant perdu, ou disant avoir perdu, sa carte d’immigration.  Inutile de biaiser et de faire valoir, comme tu as vainement et bêtement tenté de le faire,  Pchetchkov,  que la chambre était réservée, et que tu présentais un passeport revêtu d’un visa et du cachet apposé à l’arrivée par les services de police. Qu’est-ce qui pourrait prouver à l’administration de l’hôtel Pékin que tu es entré légalement en Russie, Pchetchkov ? Et pour que les choses soient parfaitement claires, Pchetchkov, faut-il te rappeler que tu devras bien sûr acquitter une première nuit d’hôtel, compte tenu de l’annulation de la réservation. A ce sujet, il est inutile de prétendre, sous le prétexte que tu réclames ta chambre, que tu n’as pas annulé ta réservation. Non, bien sûr, tu ne l’auras pas, la chambre, ni pour la durée de ton séjour, ni pour une nuit, ni même pour un quart d’heure, ni même pour une minute. La loi, c’est la loi. Dura lex, sed lex. Qui oserait encore prétendre que la Sainte Russie n’est pas un état de droit ?!...

Il est neuf heures du soir. Les idées se bousculent dans la pauvre tête de Pchetchkov. Tout lui revient à l’esprit – la carte d’immigration, les flèches, les Saoudiens, les Indiens, les cow boys, booking.com - , tout revient, mais rien ne s’éclaire. Le Pékin n’est pas un vrai hôtel. Ils se sont inscrits comme hôtel sur booking.com, mais y’a pas de chambre au Pékin. Le Pékin, c’est une base secrète de l’armée soviétique qui prépare des commandos pour envahir l’Europe occidentale et la France, et pour débarquer en Alaska avant de conquérir l’Amérique. Khrouchtchev est pas mort, c’est une fable, et d’ailleurs, on n’a jamais retrouvé son corps au mausolée de Lénine. Et pourquoi un hôtel en plein centre de Moscou s’appellerait « Pékin » ? C’est pas possible. Quand Pchetchkov est monté dans l’avion, il partait pour la Russie, pas pour la Chine. Pchetchkov, épuisé, abattu, écrasé par le malheur, prostré dans un des fauteuils club du hall de l’hôtel, lance un dernier appel, un appel de détresse. Il est évacué, délirant, par des amis.

Le lendemain, Pchetchkov a obtenu un duplicata de sa carte d’immigration, il a repris goût à la vie, il n’a pas assisté à la conférence sur le rutabaga, il n’a pas dormi au Pékin, il a rencontré beaucoup d’amis, ainsi que beaucoup de petits verres de vodka.

Au retour, Pchetchkov reprend l’avion à Domodedovo, il fait la queue au contrôle des passeports, il est doublé par une armée de Chinois qu’il n’avait pas remarqués quand il était à l’hôtel Pékin. Mais ce serait une nouvelle et trop longue histoire à raconter.

A présent, Pchetchkov est rentré à Paris. Pour Pchetchkov, tout va bien. Pchetchkov, de nouveau, pense à Léon. Rien ne prouve que Léon aimait la pêche. Dans l’esprit de Pchetchkov, une idée commence à germer …








dimanche 14 mai 2017

Sacré Macron! Et bonjour tristesse!

Triste et terne passation de pouvoirs, discours convenus, entre deux hauts fonctionnaires dont l'un a lamentablement échoué en trahissant toutes ses promesses, et dont l'autre devient président au terme d'une campagne électorale marquée par les fraudes, les trahisons et les tricheries de toute nature - tricheries des primaires, tricheries de ceux qui n'ont pas respecté le résultat des primaires, tricheries de ceux qui n'ont pas voulu participer aux primaires, et mise en scène d'"affaires" médiatico-judiciaires, tissu de fausses révélations, et d'indignations encore plus fausses.

Macron, président mal élu, président sans charisme, c'est le triomphe du jeunisme et du système français des grandes écoles, capable sans doute de former des individus aux dents longues à des carrières d'administrateurs, mais n'en faisant pas pour autant des hommes d'Etat.

Macron, c'est aussi le triomphe de financements inavoués, d'intérêts occultes et inconnus du public.

Macron, c'est enfin la victoire d'un cœur sec, insensible au destin de la France.

Il n'y a rien à attendre de Macron, sauf peut-être qu'il nous étonne en se révélant être autre chose que ce qu'il semble être aujourd'hui. C'est peu vraisemblable.

Il a plu aujourd'hui. Sacré Macron! Et bonjour tristesse!

samedi 13 mai 2017

Au fil de mes lectures ...

"... La force d'un homme d'Etat, c'est son caractère. Une seule complaisance envers les factions est un indispensable engagement avec elles. Quand on a consenti à être leur instrument, on peut devenir leur idole et leur victime, jamais leur maître. Barnave allait l'apprendre trop tard, et les Girondins devaient l'apprendre après lui ..."

Alphonse de Lamartine, Histoire des Girondins (livre III, XVIII)

lundi 24 avril 2017

Election présidentielle - L'orthodoxe non-croyant


Dans le fond, je le savais. François Fillon ne pouvait pas gagner. Accusé, sali, traîné dans la boue, couvert d’insultes depuis des semaines, trahi par la classe politique, trahi par les gens de son propre parti, Fillon ne pouvait pas l’emporter. C’était tout simplement impossible.

Pourtant, j’espérais. J’espérais, car je n’ai jamais cessé de garder de l’estime pour cet homme qui avait le courage de ses opinions et d’un programme qu’il savait impopulaire,  pour un homme dont je savais qu’il était injustement livré à la vindicte de l’opinion publique. Il nous faudra sans doute des années pour comprendre à quel point les accusations haineuses lancées contre lui ne reposaient sur rien, ou sur si peu de choses, pour saisir toute l’hypocrisie de ses accusateurs, et pour réaliser à quel point la France s’est trompée en se privant d’un candidat qui avait toutes les faiblesses d’un homme, mais qui en même temps avait toute la force, tout le courage, toute la conviction, toute l’étoffe et toutes les qualités d’un président. Dommage ! Dommage, mais pas pour lui ! Dommage pour nous qui n’avons pas pu ou pas su le soutenir.

François Fillon, n’en doutons-point,  a « bénéficié » de la part de la justice et des médias d’un « traitement de faveur ». De mémoire de juge, d’avocat, aucune enquête n’avait été ouverte avec une telle célérité sur la foi d’un simple article de presse, aucune affaire n’avait donné lieu à autant de violations de la confidentialité de l’enquête, aucune affaire n’avait mobilisé à l’encontre d’un homme politique autant de magistrats, de « juges » politisés, ou plus exactement, de procureurs, car les procureurs, en principe, ne jugent pas et ne rendent pas de jugements. Tout cela aurait dû inviter l’opinion à plus de circonspection, mais la circonspection n’est pas la qualité première des partisans de la loi de Lynch.

Oui, François Fillon a été lynché. Son épouse également. Elle mérite l’amour et le respect. Elle mérite les excuses de la France.

Heureusement, je n’ai pas participé à ce lynchage, je n’ai décoché à François Fillon aucun coup de pied lorsqu’il était à terre, je ne lui ai lancé aucun crachat, et encore aujourd’hui, je lui garde toute mon estime. Je continue de croire que François Fillon a été accusé injustement. L’idée même de cette injustice m’est insupportable, parce que j’ai été avocat, parce que j’ai été juge, ou tout simplement, parce que je ne supporte pas le mensonge, et que les accusations lancées contre Fillon étaient par trop mensongères. Fausses révélations, fausses indignations, et véritable complot ! Voilà toute la triste affaire.

François Fillon avait fait état de ses convictions chrétiennes. Cela aussi lui a été reproché. Pourtant, qu’y-a-t-il de plus beau que l’idéal chrétien ? Comment ne pas adhérer aux valeurs du christianisme qui touchent bien plus que le cercle des croyants et des pratiquants ?  En Russie, le dirigeant communiste Ziouganov a un jour déclaré qu’il était un « orthodoxe non croyant ». Cette déclaration avait pu paraître paradoxale, voire incompréhensible. Pourtant,  oui, il est possible de croire, mais de ne pas pratiquer une religion, de ne pas être « catho », selon l’expression méprisante, dédaigneuse utilisée par les socialistes, les francs-maçons, les athées, les ennemis de la spiritualité. Il est possible sans véritablement « croire » de partager les valeurs chrétiennes. Oui, il reste possible de croire, de croire dans l’amour de la vérité, de la justice, du bien, qui, dans la nuit du monde, doivent continuer de nous guider, et de nous mettre à l’abri des écueils, comme un feu isolé au milieu des récifs, sur une mer agitée.

Oui, François Fillon, c’était aussi cela. Il ne prétendait pas être un saint, mais simplement un chrétien, et pour cette raison aussi, je l’ai aimé.

Face à lui, un adversaire venu de nulle part qui déclare à Las Vegas (Etats Unis d’Amérique) : «  Il faut des jeunes Français qui aient envie de devenir milliardaires ». Amour étalé de l’argent.

J’ai donc voté pour Fillon. Il est battu. C’est peut-être un mal pour un bien, car s’il avait été élu, il n’aurait sans doute jamais pu réaliser le programme de réformes qu’il proposait à la France. Il aurait rencontré l’opposition féroce, méchante, malintentionnée de tous les corporatismes,  de tous les intérêts particuliers, de toutes les ambitions contrariées, de toutes les jalousies, de toutes les haines, de toutes les insatisfactions qui se sont déchaînées au cours de son interminable lynchage.

François Fillon dont, tôt ou tard, les mérites véritables seront reconnus, n’avait donc vraisemblablement que peu de chances de réussir.

Pourquoi ai-je néanmoins tant voulu le soutenir ? Je ne suis pas membre de son parti, je n’ai pas ses idées,  je suis « souverainiste », je ne pense pas que le libéralisme sans frontières puisse offrir une quelconque solution.  Pourtant, je l’ai aimé – je l’ai dit – pour ses valeurs qui étaient aussi les miennes, je l’ai aimé parce que c’était un homme injustement traîné dans la boue, je l’ai aimé parce qu’il était trahi, je l’ai surtout aimé parce que j’ai senti en lui, au-delà de ses convictions européennes, un amour charnel, inexplicable, presque irrationnel de la France. Et je voudrais lui dire aujourd’hui que son calvaire n’aura pas été vain.

J’aime Fillon. J’aimerais l’accueillir à tout moment, j’aimerais le réconforter, j’aimerais lui dire à quel point nous sommes frères.

Néanmoins, je ne suivrai pas les consignes de vote qu’il a données au soir du premier tour, car je ne peux pas voter pour la mondialisation, je ne peux pas voter pour le culte de l’argent, je ne peux pas voter pour la négation de la France. Je suis peut-être, ou sans doute, minoritaire.

Qu’importe ! Minoritaire, je l’ai toujours été ! J’appartiens à ce carré des derniers Français, des derniers citoyens libres qui sont morts à Waterloo, sous la mitraille anglaise, sous les charges prussiennes, mais qui sont morts la tête haute, et non pas fuyards, écrasés, enfoncés, étouffés dans la boue, sous les roues des chariots de la débâcle, poussés par les mufles bataves, prussiens et anglais!

Non à Macron ! Non à la mondialisation ! Vive la France ! Avec le dernier carré, je dis « merde », «merde », « merde » à la République, »merde » aux socialistes, « merde »  à tous ceux qui se disent « en marche» , qui ne vont nulle part et qui veulent m’écraser!